Vendredi 21 mars 2025 MSHS de Poitiers, salle des conférences 10h-17h
Une conférence plénière sera notamment donnée par Bouchra Taïbi, Professeure au département de travail social de l’Université du Québec à Trois-Rivières et professeure invitée à l’Université de Poitiers du 7 au 22 mars 2025 : Vieillir en migration: début, continuité ou fin du parcours migratoire ? Regards sur les parcours et aspirations d'aînés ayant migré au Canada
Journée d’études co-organisée par la MSHS, Migrinter, le Mimmoc et la Chaire Senghor en francophonie nord-américaine
PROGRAMME
9h30 CAFÉ D’ACCUEIL
10h INTRODUCTION : Ariane Le Moing, MIMMOC – IEAQ/Chaire Senghor en francophonie nord-américaine ; Adelina Miranda, Migrinter/lCM
PARTIE I : VIEILLIR DANS LES LIEUX DE LA MIGRATION
10h15 Bouchra TAÏBI, PhD, Travailleuse sociale, professeure à l’Université du Québec à Trois-Rivières
Vieillir en migration : début, continuité ou fin du parcours migratoire ? Regards sur les parcours et aspirations d’aînés ayant migré au Canada
Au Canada, près du tiers des personnes âgées de 65 ans et plus sont immigrantes, c’est-à-dire nées à l’extérieur du Canada. Malgré leur importance, les réalités et les besoins des aînés immigrants sont peu évoqués et restent méconnus. Cela, notamment en ce qui concerne leurs intentions quant à où vieillir. En effet, si la question du lieu du vieillir occupe une place centrale dans les débats sur les politiques publiques de la vieillesse, on en sait peu sur les aspirations des personnes aînées immigrantes en termes de migrations. Vieillir signifie-t-il le début, la continuité ou la fin du parcours migratoire pour ces aînés et, surtout, pourquoi ? La présente communication s’appuie sur une recherche qualitative menée juste avant la pandémie de COVID-19 dans la région montréalaise auprès de personnes âgées de 65 ans et plus, nées à l’extérieur du Canada, soit des aînés ayant des parcours de vie marqués par une ou plusieurs migrations. La communication portera sur les principaux résultats en ce qui a trait aux parcours migratoires de ces aînés et à où ils souhaitent vieillir. C’est à la lumière de ces parcours que les aspirations des aînés quant à où vieillir (et où continuer ou finir son parcours migratoire) seront ensuite abordées.
10h45 Amel MAHFOUDH, adjointe scientifique, Haute école et école supérieure de travail social, HES-SO Valais/Wallis
Migrer et vieillir en Suisse et en Tunisie, circulation transnationale des soutiens matériels, financiers et de care
À partir des résultats d’une recherche qualitative réalisée conjointement en Suisse et en Tunisie, nous proposons d’explorer les réseaux sociaux transnationaux reliant les familles entre ces deux pays et au-delà. Nous focaliserons sur le cas des personnes âgées en tant que réceptrice ou source de soins par et pour leur famille dans un contexte transnational. Nous mobiliserons particulièrement 3 entretiens illustrant 3 réalités observées : (1) le cas de personnes qui ont migré de Tunisie vers la Suisse lorsqu’elles étaient plus jeunes et qui y vieillissent ; (2) le cas de personnes âgées restées en Tunisie (left behind) dont les enfants vivent en Suisse et s’en occupent à distance; (3) le cas de personnes qui ont migré de Suisse ou Europe durant leur vie active (pour le mariage ou le travail) vers la Tunisie et qui ont décidé d’y vieillir. En comparant ces trois contextes, nous identifierons les avantages et les contraintes auxquels les personnes âgées sont confrontées lorsqu’elles fournissent et reçoivent un soutien familial, ainsi que les stratégies qu’elles et leurs familles développent pour maintenir des liens.
11h15 Francesca Dl DONATO, Doctorante, MIGRINTER, ICM
L’espace de vie transnational au prisme du cycle de vie familial des migrants âgés italiens, espagnols et portugais en Nouvelle-Aquitaine
Selon les données historiques de recensement de l’INSEE en Nouvelle-Aquitaine, en 2018 un total de 256 310 personnes sont immigrées (environ 4% de la population totale), dont environ 60% viennent d’un pays européen, et 30% d’un pays africain. Pourtant, en 1968, les immigrés en provenance d’un pays européen représentaient environ 90% de la population immigrée totale soit 111 940 personnes, dont les Espagnols, les Portugais et les Italiens constituaient la plus grande part (INSEE, 2019). Qu’en est-il du devenir en migration de ces populations ? Pour cette intervention, et à partir de l’échelle familiale, je propose d’articuler le cycle de vie familiale et la construction d’un espace de vie transnational (Lacroix et Miret, 20 21) chez certains migrants âgés d’origine italienne, espagnole et portugaise, rencontrés au cours de mon terrain exploratoire en Nouvelle-Aquitaine dans le cadre de ma thèse en sociologie. Comment certaines phases de la vie, telles que la maladie, influencent-elles la circulation entre le lieu d’origine et celui de résidence ? Le vieillissement ne semble pas nécessairement être synonyme de dilution des liens transnationaux avec le pays d’origine. Pour comprendre comment les formes de re-transnationalisme (Zontini, 2015) et de dé-transnationalisme (Bedorf, 2014) sont rythmées par le cycle de vie familial, je me propose d’étudier le rôle crucial du genre et de l’âge dans le (re)positionnement des individus au sein de l’espace familial.
11h45 Blandine DESTREMAU, Directrice de recherche, CNRS Iris/EHESS, ICM
« Ils attendent qu’on meure pour partir» : quelle place pour les plus âgés dans la décision des jeunes adultes de migrer ?
Mon terrain d’enquête à Cuba, depuis 2010, m’a conduite à percevoir certaines configurations familiales comme un envers de la migration, ceux et celles qui restent quand des proches quittent le territoire. J’ai notamment étudié les pratiques et arrangements de familles transnationales, à partir des besoins de soins des personnes âgées restées dans l’île (Destremau, 2021 ; Destremau-Zeit z, 2023). Ce séminaire me donne l’occasion de problématiser et d’interroger l’état et la notion de « left behind » ou « non-migrant » en perspective du vieillissement des plus âgés de la famille. J’ai entendu de nombreux récits évoquant les choix d’un enfant (le plus souvent une fille) de rester à Cuba « pour ses parents » quand le reste de la fratrie partait pour des années, voire un exil définitif. Je souhaite aussi m’appuyer sur le processus parfois long et douloureux par lequel des adultes relativement jeunes, des couples ou parfois des familles entières, contemplent aujourd’hui la décision de quitter le territoire. Ce projet est souvent discuté par différents membres de la famille, débattu entre conjoints, négocié dans la fratrie. À partir de cas ethnographiques et de récits de vie, je propose d’appréhender les dilemmes moraux et les options pratiques que révèlent ces discussions : le projet inclue-t-il les plus âgés ? Quels arbitrages se donnent à voir autour de la place de ceux et celles qui resteront et vieilliront à Cuba ?
PARTIE Il : CIRCULER À L’ÂGE DE LA RETRAITE
14h30 Belén FERNANDEZ-SUAREZ et Antía PÉREZ-CARAMÉS, Maîtresses de conférences, ESOMI/MAF, Université de La Corogne
Les grands-mères de la migration. Pratiques transnationales de circulation du care dans la communauté cap-verdienne
Les études migratoires ont traditionnellement analysé le rôle des personnes âgées en situation migratoire à partir de deux prismes. Le premier a mis en relief leur passivité car, lorsqu’elles restent, elles dépendent des remises envoyées par les enfants émigrés ou bien, lorsqu’elles partent pour les rejoindre, elles restent d’un état de dépendance administrative et économique. Le deuxième, à partir de la théorie des chaînes globales de soins, nous a appris qu’elles s’occupaient des enfants que les émigré·e·s avaient « laissés derrière elleux ». Ces deux visions donnent une image passive des personnes âgées et il existe peu recherches qui analysent leur rôle actif (sauf celles qui se penchent sur les migrants de retraités). Le cas que nous souhaitons discuter est celui des femmes âgées cap-verdiennes qui vivent dans un large champ migratoire transnational. Cette recherche, qui se base sur un travail ethnographique réalisé auprès de plusieurs générations de femmes cap-verdiennes installées au Cap-Vert et dans divers pays d’accueil (Espagne, Portugal et France), interroge le rôle que ces femmes jouent dans la construction de la circulation du care. Ce sont ces grands-mères qui circulent le plus dans l’espace familial élargi et qui travaillent le plus pour maintenir le lien familial transnational. Tout au long de l’année, elles effectuent de longues visites à leurs fils et à leurs filles dans différents pays pour s’occuper des petits-enfants et/ou de la maison, favorisant ainsi l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée de leurs enfants.
15h Jordan PINEL, chargé d’études et de recherche, Gérontopôle des Hauts-de-France
L’entre-deux des retraités marocains : stratégies de santé et de vieillissement
Cette communication se base sur une enquête menée dans la région du Souss-Massa (Maroc) entre 2017 et 2019 auprès d’une vingtaine de retraités marocains qui ont vécu en France durant leur vie active, ainsi qu’auprès d’acteurs de la migration et du vieillissement au Maroc. Depuis leur départ en retraite certains Marocains ont effectué une migration de retour classique en résidant au Maroc à l’année, mais d’autres y résident une partie seulement en alternant entre leur logement français et marocain. Cependant le vieillissement de cette population de « l’entre-deux » et les difficultés de santé qui peuvent survenir interrogent la pérennité de cette pratique du vient-et-vient : comment envisagent-ils leur vieillissement ? Où et comment se soignent-ils ? Nous analysons notamment les choix qui sont faits en matière de couverture sociale, la gestion de leurs soins de santé qui se fait parfois également dans « l’entre-deux » et les évolutions de leurs projets résidentiels face au vieillissement.
15h30 Adelina MIRANDA, Migrinter/lCM
Retraités italiens en Tunisie, entre familles transnationales et défiscalisation
Cette communication propose de discuter les premiers résultats d’une recherche en cours sur la présence des retraités italiens en Tunisie. Selon les sources italiennes officielles, en 2022, ils étaient 6974 à être inscrits à l’AIRE (Anagrafe ltaliani Residenti all’Estero) et, en 2024, leur nombre était de 9115. La présence la plus importante est à Hammamet, où les représentants des associations signalent entre 6.000 et 8.000 Italiens. Mais, même si la présence italienne s’explique notamment par le système fiscal tunisien favorable à une importante défiscalisation des retraites en provenance de l’étranger, la situation est plus articulée. Tout d’abord, ces Italiens ne se définissent pas comme des migrants, mais comme des Italiens qui vivent d’une manière temporaire en Tunisie. Leurs comportements et modes de vie se calquent sur un rapport colonial avec les Tunisiens : création de lieux et de temps de rencontres, pratiques religieuses autour de la paroisse italienne, usage de la langue et de la cuisine italiennes dans la vie quotidienne. Arrivés en s’appuyant sur trois types de réseaux (familial, régional et religieux), le poids de la motivation économique prend une signification différente selon la phase du cycle de vie individuel et familial. Le statut matrimonial, l’âge et le genre définissent ce champ migratoire structuré autour de deux typologies. L’une est constituée d’hommes seuls, divorcés et souvent à la recherche d’une nouvelle vie affective et sexuelle ; l’autre est constituée par des hommes qui construisent ce projet en couple et en discutent avec leurs enfants. Le choix de partir répond alors à la nécessité d’assurer un soutien économique aux enfants restés en Italie et de faire face à leur déclassement social. Ces familles qui s’organisent autour des allers-retours habituels en Italie (notamment pendant les festivités comme Noël ou bien les anniversaires, les mariages etc.) et des visites fréquentes des autres membres de la famille, notamment pendant les vacances, interrogent le transationalisme.
16h15 SYNTHÈSE DES ÉCHANGES